mercredi 17 avril 2024
En terme de RSE, quelles sont vos actions spécifiques ?
Entretien avec Philippe Gaudin (5/8)
Nous agissons sur 5 points qui sont : le territoire, l’environnement, le social, l’économique et la gouvernance. Dans l’ensemble, l’idée est de regarder si les décisions que nous prenons entrent bien dans le cadre de la RSE et nous y parvenons globalement.
Nos actions sont très diverses avec nombre d’implications, comme de faire travailler les entreprises locales, d’ouvrir des possibilités d’emploi aux locaux, d’avoir des systèmes de gouvernance partagée, coopérative. Je m’implique aussi dans les instances décisionnaires autour du tourisme par exemple. C’est tout un ensemble assez compliqué à synthétiser !
Nous travaillons avec le cabinet Potentis Conseil aux Sables-d’Olonne, avec le soutien de la fondation FACE à la Roche-sur-Yon, qui traite de l’inclusion sociale. Pendant 2 ou 3 ans, nous avons d’abord été une dizaine d’entreprises à nous réunir, puis nous avons souhaité créer un marqueur identitaire et définir un cahier des charges, aussi nous avons créé et signé la première charte RSE vendéenne en janvier 2020. Nous essayons d’identifier et élargir le champ au fur et à mesure ; je considère que c’est une obligation intellectuelle.
Territoire et environnement
Ces notions ont été abordées les semaines précédentes, mais pour aller plus loin, je considère qu’une démarche RSE n’a de sens que si c’est un état d’esprit. Elle est absolument nécessaire et fondamentale dans les entreprises et dans l’économie ; il n’est pas concevable d’aborder l’économie aujourd’hui sans le respect du territoire dans lequel nous sommes et tous les entrepreneurs doivent entrer dans cette démarche. Mais si l’on regarde bien, beaucoup font de la RSE sans le savoir, un peu comme Monsieur Jourdain – le personnage de Molière – qui faisait de la prose sans le savoir… On en fait naturellement !
Dans tous les cas, l’économie ne peut se priver du respect de l’environnement, tout comme l’environnement ne peut se priver de l’économie, et le comprendre nous fera beaucoup gagner. Je tiens beaucoup à toutes ces notions et les transmettre me semble fondamental. Cette citation de Saint-Exupéry résume bien ma pensée : « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants ».
Actions sociales
Il y a deux grands axes. D’une part les projets plutôt sociétaux comme pour l’épicerie sociale, sur la base d’un vrai partenariat avec la mairie de Saint-Jean-de-Monts et la Communauté de communes Océan-Marais-de-Monts. Ils viennent tous les 2 jours récupérer les invendus, nous les informons lorsque nous avons un surstock et eux nous informent de leurs besoins. Nous accueillons aussi les collectes de la banque alimentaire dans l’esprit d’un vrai partenariat. Nous soutenons également une association pour les migrants sur un certain nombre d’actions comme les aider à acheter ce dont ils ont besoin par un système de bons d’interventions, fournis par des associations pour leur permettre de s’intégrer à la société.
Tissu associatif
Une commune comme Saint-Jean-de-Monts comporte deux niveau : l’associatif et l’événementiel. Je suis très attaché au tissu associatif qui est l’animation de la ville et qui la fait vivre toute l’année ; c’est pourquoi les actions dans le domaine culturel et sportif sont si importantes. Nous avons environ 90 associations à Saint-Jean-de-Monts qui représentent un vrai lien et une vie dans la ville. Quant à la partie événementielle, n’oublions pas que Saint-Jean-de-Monts est aussi une station balnéaire. Elle vit des fréquentations estivales et saisonnières et nous avons aussi besoin de ces événements forts pour faire parler de la station et faire venir les gens.
Nous nous inscrivons dans ces deux démarches. Je suis également dirigeant du club de Triathlon, Saint-Jean-de-Monts Vendée Triathlon Athlétisme. Quand nous avons été élus en 2008, le club comptait environ 80 licenciés. En créant du lien et en donnant aux gens l’envie de faire des choses, nous sommes arrivés aujourd’hui à 400 licenciés. C’est toute cette logique que je défends dans le tissu associatif, pour que chacun s’y retrouve dans sa pratique sportive ou culturelle, et qu’à côté, l’organisation d’événements puisse créer du lien pour qu’au final, nous ayons un beau projet avec une belle vitrine. Nous intervenons en support financier, sur présentation de projet, ou pour un club déjà structuré qui a besoin de soutien. J’aime beaucoup soutenir les écoles de jeunes (écoles de tennis, de golf, de triathlon, d’athlétisme, de basket…) car je tiens beaucoup à accompagner les jeunes à « être » sur le territoire et à y vivre leur pratique.
Gouvernance
Il y a d’abord ce cadre agréable dans lequel nous travaillons. Nos bureaux en open space reçoivent beaucoup de lumière et la salle de pause est plutôt sympa. Ensuite, nous faisons en sorte d’avoir une logique collaborative dans la gouvernance. C’est important car cela permet de donner du sens et de vérifier que les salariés se sentent bien dans ce qu’ils font, ce qu’ils sont, où ils se situent dans l’entreprise. Nous les faisons participer au résultat économique, par participation et intéressement au résultat. Puis il y a un certain nombre d’avantages sociaux. Nous souhaitons que les salariés s’y retrouvent le mieux.
J’espère que la crise sanitaire aura permis de faire comprendre que lorsqu’on achète un produit, il y a plein de choses derrière : le magasin dans lequel je l’ai acheté, l’hôtesse par qui je suis passé, le vendeur qui me l’a vendu, mais aussi l’entreprise qui l’a produit, les salariés qui ont fabriqué ce produit, la matière première, l’agriculteur qui a fourni cette matière première, le livreur… Si cette période peut avoir mis en lumière ce schéma économique, au moins en France ou en Europe, nous aurons déjà beaucoup gagné. Il faut comprendre que tout le monde a une place et une utilité, et que ça ne se fait pas sur le dos des gens comme je l’observe malheureusement beaucoup trop souvent… c’est inacceptable ! Il est essentiel de considérer et respecter la valeur de ce schéma économique et humain.
Pour conclure
Pour être impliqué dans plusieurs groupements de chefs d’entreprises, j’observe beaucoup de changements et une vraie prise de conscience sur l’impact social, environnemental et économique ces quatre ou cinq dernières années. Je pense qu’on ne voit pas encore tout mais qu’il y a un vrai travail en cours et que beaucoup d’entreprises prennent des virages. De nature plutôt optimiste, je suis assez confiant sur l’industrie et le modèle économique de demain, et même s’il ne pourra jamais être 100 % vertueux, je vois tout de même une maturité se mettre en œuvre… Je n’ai jamais eu autant d’appels de collègues pour me dire que ce que le projet que j’ai réalisé est bien et se renseigner pour le dupliquer.
Le commerce de demain doit être respectueux de ces valeurs environnementales et sociétales, d’où l’importance d’une stratégie RSE. On vendra toujours des marques nationales ou des bouteilles d’eau, mais à côté, on revient vers des produits plus locaux. Le commerce est une proposition, le tout est que le client se retrouve dans cette proposition. Mais mon sentiment aujourd’hui, c’est que c’est l’inflation qui fait le plus réagir et que tant qu’on ne touche pas au porte-monnaie, il n’y a pas de véritable prise de conscience… alors que l’environnement et le problème climatique ne sont pas une question de porte-monnaie !
La semaine prochaine : la formation et la transmission…