mercredi 3 avril 2024
Comment menez-vous une politique « zéro déchet » au Super U Saint-Jean-de-Monts ?
Entretien avec Philippe Gaudin (3/8)
Avant le déchet, nous démarquons les produits en limite de consommation et la société Phœnix communique l’information sur ces produits à prix réduits. Ceux qui sont retirés de la vente sont distribués en épicerie sociale, aux Restos du cœur, à la SPA, etc. Enfin, les produits qui ne sont plus propre à la consommation partent en traitement de déchets organiques : la boucherie et la poissonnerie partent en équarrissage pour être transformées en farines animales, tandis que les fruits et légumes, la boulangerie et les laitages partent en biomasse.
Les emballages
Concernant le recyclage des emballages, un circuit a été mis en place par Système U – « U Eco Raison » – qui recycle et valorise les cartons, les plastiques souples et rigides, les piles, l’aluminium… Les déchets plus spécifiques, comme le bois de palette, sont traités par une société privée. Parallèlement, nous travaillons de plus en plus avec des palettes plastiques réutilisables.
Au niveau des bureaux, nous recyclons les papiers, les cartouches d’encre, les bouteilles de plastique. Des gourdes métalliques ont été distribuées pour arrêter l’utilisation des bouteilles en plastique.
Côté clients, nous passons encore par beaucoup de phases test et nous regardons si ça fonctionne : un système de balances adaptées a été mis en place en 2019 pour permettre l’utilisation de contenants personnels aux rayons vrac et frais et qui avait très bien fonctionné en touchant un large éventail de la clientèle, avant d’être mis à mal au moment de la crise sanitaire.
Nous avons eu une expérience avec la société Berny qui proposait ses emballages en inox aux rayons frais, mais les clients n’ont pas suivi. En revanche, le rayon vrac fonctionne bien et une partie des clients amènent leurs propres emballages pour les fruits et légumes, frais ou secs et les céréales. Depuis quelques mois, on sent une remontée d’intérêt pour ces sujets en raison des évolutions législatives et du contexte environnemental. D’ailleurs, sur l’année 2024, nous allons tenter de labelliser notre démarche anti-gaspi.
D’une manière générale, le changement est long et compliqué. Si une part de la clientèle, plus vertueuse, est très attachée à ces questions et permet de tester des solutions, ça reste infime et ça n’est pas l’ensemble de la clientèle. La plupart du temps, le client n’y va pas sans incitation financière. Il y a donc les convaincus, puis ceux qui vont le faire par économie ou parce qu’ils ont entendu que c’était politiquement correct, mais au moins, ça fait bouger les choses. Et puis il y a encore une grande part de la population qui n’est pas du tout sensibilisée à ces questions.
Beaucoup d’emballages sont aujourd’hui en papier ou carton, avec beaucoup moins de plastique, ce qui rend plus vertueux l’acte d’achat d’un produit classique qu’à une époque. Il n’y a quasiment plus de plastique dans les rayons fruits et légumes, seulement du papier ou du carton recyclable. D’autres produits, comme les emballages des rasoirs, sont aussi passés du plastique au carton. Il y a chez U une attention de plus en plus forte à ces questions.
Bouger les lignes…
S’il y a une vraie volonté de bouger les lignes, c’est très long car tous les process industriels déjà en place ne sont pas prêts. Côté grande distribution, notre problématique est de devoir fournir un panel de produits assez large, puisque l’offre est la base de notre métier et que l’on reste tout de même sur une consommation de masse. Mais la vraie clé sera chez les industriels et s’il y a un travail en cours de ce côté, ça prend beaucoup de temps car ça nécessite de réorganiser toute une filière. N’oublions pas que le simple fait d’emballer une pizza est un processus complexe et que certains industriels ne veulent pas bouger ou mettent en tout cas beaucoup de freins.
Nous avons enfin la B-bot pour le recyclage des bouteilles en plastique qui fonctionne bien et les clients y sont plutôt sensibilisés. Même si ça n’est pas encore la solution idéale, nous travaillons de plus en plus avec des filières de plastique recyclable qui s’organisent sur ce point.
Par ailleurs, on touche ici à un point sensible si l’on considère les investissements industriels et les choix politiques qui ont été faits auparavant. Prenez le débat actuel sur Trivalis et la B-bot : cette dernière est plutôt vertueuse, puisque le scanne de votre bouteille vous dit si le plastique est recyclable ou non, avant de la broyer devant le client qui reçoit 1 ou 2 centimes en bon d’achat (là où je vous disais que l’aspect financier est moteur). Le broyage du plastique part ensuite en camions Système U pour être remis à notre prestataire de bouteilles qui le recycle et produit de nouvelles bouteilles. Un cycle a donc été créé, sauf que ce produit est la valeur ajoutée des centres de tri publiques comme Trivalis qui se trouve déstabilisé dans son modèle économique. Il y a, là encore, un débat complexe.
Si je peux le formuler ainsi, l’un des aspects positifs de la crise économique et de l’inflation, c’est que les gens font plus attention à ce qu’ils consomment et qu’il y a moins de consommation inutile et d’achats superflus. Même si on était content de les vendre, certains produits n’apportaient pas grand chose au consommateur et finissaient dans la poubelle. Les gens font donc plus attention, il y a une prise de conscience. Est-ce que ce sera durable ? Ça reste à voir dans le temps…
La semaine prochaine : le local dans la grande distribution.