mercredi 10 avril 2024

Comment travailler avec le local quand on fait de la grande distribution ?

Entretien avec Philippe Gaudin (4/8)

Une grande surface se doit de proposer l’ensemble des produits et nous devons être capables de répondre à toutes les demandes, que ce soit celle d’un produit premier prix ou haut de gamme, d’un produit local ou national. C’est notre métier et notre travail est de l’intégrer dans une démarche de responsabilité sociétale des entreprises pour que ça ait du sens à tous les niveaux.

Nous appartenons à une enseigne déjà très compétitive et ce dispositif national nous permet d’être performants en terme de prix sur l’ensemble des grandes marques et des fournisseurs nationaux. La centrale « Système U » est une coopérative d’achat qui négocie auprès des gros industriels de façon à obtenir les prix les plus efficaces possibles. Nous avons ensuite notre politique d’achat local où il s’agit de trouver le meilleur compromis entre le besoin du producteur ou de l’entreprise locale et notre besoin de marché. C’est un travail tripartite : le producteur a besoin de tel prix pour faire fonctionner son entreprise et nous de tel prix pour faire fonctionner la nôtre, pour ensuite le proposer à tel prix au consommateur. Nous ne pouvons pas vendre un produit plus cher parce que c’est un produit local, mais il faut que le producteur et le distributeur s’y retrouvent, et c’est ce qu’on appelle un prix responsable.

Un approvisionnement plus local

Nous allons aujourd’hui vers des démarches de plus en plus responsables, avec un approvisionnement plus local, plus de respect du territoire, une démarche plus sociale…
L’entreprenariat responsable, c’est comment s’impliquer dans le territoire et comment le respecter, c’est fondamental car tout en découle : quand on parle de territoire, on parle de son environnement écologique, naturel et ce sont les acteurs qui le font – qu’ils soient publiques ou privés, entreprises ou collectivités, ou que ce soit mes collaborateurs. La logique est là : rester dans le respect du territoire tel qu’il est, tel qu’il fonctionne. Ce qui est mis en œuvre dans le magasin doit fonctionner en toute logique sur ce point.

Le salon Vendée Local – créé par mon directeur Antoine Robert – met en avant toutes les démarches locales avec lesquelles nous travaillons aujourd’hui et dès que nous le pouvons, nous valorisons les produits locaux dans nos rayons, c’est l’Ultralocal.
Fin 2020, en collaboration avec une partie des boutiques, mon directeur et l’équipe d’animation du magasin ont conçu un marché de Noël pour permettre aux commerçants de Saint-Jean-de-Monts, habitués à faire ces marchés, de venir exposer et vendre leur savoir-faire. Il s’agissait pour eux de mettre en valeur un modèle d’artisanat local. Ça a été un très beau succès, tant sur le plan humain que commercial.

L’agroalimentaire

Dans le domaine agroalimentaire, qui est notre cœur de métier, nous travaillons avec deux producteurs maraîchers, l’un à Saint-Hilaire-de-Riez et l’autre à Saint-Jean-de-Monts. Nous travaillons aussi avec des éleveurs et abattoirs locaux autour de la démarche « Vendée Qualité » à laquelle adhèrent tous les magasins U de Vendée. Dans ce cadre, nous demandons aux abattoirs de nous fournir les races dont nous avons besoin, mais les plus locales possible. Concernant la pêche, Saint-Jean-de-Monts n’étant pas un port de pêche, nous n’avons pas de lien direct avec les mareyeurs et n’allons pas à la criée, mais nos approvisionnements sont locaux autant que possible et peuvent provenir des ports de l’Herbaudière ou Saint-Gilles-Croix-de-Vie, et de Noirmoutier ou Fromentine pour les huîtres.
Par ailleurs, lorsque quelqu’un se lance dans une démarche particulière qui fait sens pour nous, nous l’étudions pour voir si nous pouvons travailler ensemble. Je pense par exemple à la bière de Noirmoutier à sa création, ou à la bière Mélusine, car ce sont des produits qui correspondent aux attentes de nos consommateurs et nous essayons toujours de rester dans cette démarche.

D’une manière générale, il faut que l’entreprise fournisse un produit qui corresponde aux attentes de nos clients et qui entre dans une vraie logique, comme par exemple la mogette ou la soupe de poisson Gastromer : ces produits nous sont demandés et sont vendéens. Le cercle de proximité est assez large car la Vendée a la chance d’avoir une grosse identité agro-alimentaire. On peut même considérer que Sodebo ou Fleury Michon – qui sont de très gros faiseurs industriels, nationaux voire internationaux – sont des partenaires locaux parce qu’ils sont vendéens. Parallèlement, nous travaillons aussi avec PMT à la Barre-de-Monts, une petite entreprise qui nous fournit des produits surgelés.

Des liens territoriaux

Que la démarche soit locale, oui, mais qu’elle fasse sens avec ce que nous faisons, dans ses notions de respect, de valeurs locales, et de liens qui existent car on se connaît tous et nous avons d’excellentes relations. Pendant le premier confinement, nous nous appelions pour prendre des nouvelles les uns des autres, comme avec les dirigeants de Gastromer, pour savoir comment ça se passait, quelles mesures il fallait prendre, ou comment évoluaient les situations économiques de chacun. Nous avons des relations très cordiales et très humaines qui ne sont pas seulement des relations d’affaires mais aussi d’amitié. Je pense également aux dirigeants de PMT, de Petitgas, et à bien d’autres encore…
J’ai aussi été impliqué en tant que Président de l’association des chefs d’entreprise du territoire que j’ai relancée à une époque. J’ai beaucoup d’amis chefs d’entreprise et il y a un vrai lien territorial, naturel, non forcé, qui n’est pas « du réseau pour le réseau » mais avant tout un réseau d’amitiés.

La semaine prochaine : la RSE…